Les « livres de lecture » de l'école primaire ont commencé la danse. La sarabande a continué avec la bibliothèque rose, la bibliothèque verte et les bandes dessinées. Remerciements aux bibliothèques scolaires gratuites qui m'ont approvisionné avec grande libéralité. Les zélites — les bourgeois — ont toujours dit que la lecture gratuite est un pêché. En ce temps-là Jérôme Lindon (patron des éditions de Minuit mais aussi homme d'influence) n'avait pas encore eu l'idée de piquer cinq francs dans la poche des pauvres. Sais-tu qu'il y a une douzaine d'années nos zélites voulaient, au sacro-saint nom de la « création » bien sûr, nous imposer une taxe sur la lecture en bibliothèque ? Les bourgeois n'ont pas lu La Guerre des boutons : « Lebrac ! C'est pas bien, tu fais honte aux pauvres ! »
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Aujourd'hui l'un des grands combats des zélites — les bourgeois zéditeurs de Saint-Germain des Prés et leurs vassaux alliés à Sony & C° — consiste à repousser toujours plus loin le droit d'auteur. Pour « rémunérer les créateurs » on fait payer des droits d'auteur jusqu'à soixante-dix ans après la mort de l'auteur ou du traducteur. Tu t'imagines que l'arrière-petit-fils du plombier va encore présenter chaque année à ton petit-fils une facture pour le chauffage central installé chez tes parents vers 1970 ?
Le Vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway. La seule traduction disponible en français a été goretté (1) naguère par Jean Dutourd. Gallimard interdit la nouvelle traduction de l'œuvre par François Bon. Gallimard fait valoir qu'il jouit du monopole de la traduction en français jusqu'en 2047. Sûrement au nom de la « juste rémunération » de l'auteur d'Hemingway mort en 1961.
Nos cultureux déclinologues catastrophologues toilophobes — des bourgeois — regardent toujours de travers les nouvelles pratiques qui tourneboulent encore une fois le livre et la lecture. La traduction de François Bon est en effet disponible en téléchargement à lire sur ton écran puisqu'aujourd'hui tu n'as pas besoin d'une revue de papier pour me lire ou me répondre. Une monumentale somme encyclopédique qui exigeait dix ou vingt grands volumes loge maintenant sur un dérisoire disque compact.
Ça devient tout de même très contrariant pour nos zélites de ne plus détenir un monopole même avec le pouvoir des capitaux. Ce qui les rend malades, nos bourgeois, ce n'est pas la mort du livre et du disque ou bien leur changement de statut. Ce qui les rend malades, c'est la réduction ou la disparition de leur source de profit. On ne laboure plus avec deux vaches attachées par un joug. Ils ne s'inquiètent pas pour l'avenir des vaches. Ils pleurent parce qu'ils ne peuvent plus nous vendre les jougs. On ne lave plus le linge à la rivière. Ils ne s'inquiètent pas pour l'avenir des lavandières. Ils pleurent parce qu'ils ne peuvent louer aux lavandières un emplacement sur la rive dont ils étaient propriétaires. Parce qu'un tel emplacement se louait ! Le savais-tu ? Et c'est ainsi que des municipalités ont créé un « lavoir public » pour qu'on cesse d'exploiter la misère...
François Bon a donné son travail de traducteur puisqu'il n'a pas le droit de le vendre. On peut le télécharger gratuitement ici ou là sur la toile (2) mais que ça ne t'empêche pas de rendre visite à sa coopérative d'édition numérique qui propose plus de cinq cents titres.
Écrire le droit au service de tous — et non plus au service des riches pour exploiter les pauvres — serait une petite révolution.
(1) La gent porcine me pardonnera de propager encore une fois une image dégradante...
(2) Je viens de la lire et c'est une magnifique traduction à mettre dans ton soulier numérique.
(3) Correction du 1er mars. Ce sont des acheteurs, ils sont vingt-deux, de la traduction de François Bon qui ont mis en circulation "leurs" exemplaires.
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Autre sujets.
— Agnès raconte avec une économie de mots qui m'a touché une scène de la vie quotidienne de pauvre sous le règne de Sarkozy.
— Europe : pas sans nous ! Appel des 200 pour un référendum sur le nouveau traité européen.
— Observation de quelques obstacles médiatiques et des façons dont Jean-Luc Mélenchon s'y confronte. Un beau travail de compilation de Pierre Carles.
(1) La gent porcine me pardonnera de propager encore une fois une image dégradante...
(2) Je viens de la lire et c'est une magnifique traduction à mettre dans ton soulier numérique.
(3) Correction du 1er mars. Ce sont des acheteurs, ils sont vingt-deux, de la traduction de François Bon qui ont mis en circulation "leurs" exemplaires.
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