[Message perso : Jean-François Copé, viens pas me demander des droits d'auteur.] Partageux, blogue autocertifié 100% "minables", poursuit l'euthanasie du "cancer de l'assistanat social", la chasse aux "cloportes" et le balayage des "résidus".
Les oiseaux mazoutés que je croise dans ma grande ville se retrouvent dans ma campagne natale.
Quand j’étais gosse, les deux adolescents gentiment disjonctés du village avaient table ouverte dans les maisons de la commune. Jean-Marie venait manger de temps à autre chez mes parents quand il a commencé à montrer les premiers signes de déconnexion du réseau vers l'âge de quatorze quinze ans. Aujourd’hui c’est un service de portage de repas à domicile qui le nourrit dans l’antre dont il ne sort plus guère. Il est né dans cette maison, il y mourra.
La personne qui lui apporte son repas est désormais près d'être la seule à qui il parle. Puisqu'il voit en tout interlocuteur un ennemi potentiel qui veut lui démolir sa maison pour en récupérer le bois pour le mettre dans le poêle parce que la télé lui a dit l'hiver dernier qu'il y a des gens qui n'ont plus les moyens de se chauffer parce que c'est trop cher et qu'il faut se méfier que la semaine passée y'a encore eu un papé à Nancy ou bien était-ce à Bordeaux qui s'est fait soutirer son porte-monnaie en allant aux commissions par un gars qui n'avait pas d'argent pour manger que c'est vrai puisqu'il l'a entendu dans le poste aux informations d'avant les rigolos qu'il écoute toujours.
Serge, le voisin de Jean-Marie, est peut-être moins secoué du carafon mais il a un handicap physique en plus de problèmes organiques lourds. Serge, lui, il était fou de gâteaux. Toute la commune savait que ce gosse était capable de faire cinq ou six maisons d'affilée pour y taper la brioche, la tarte aux pommes ou le clafoutis du quatre-heures. Eh bien personne ne lui refusait une part, voire deux ou trois, qu'il engloutissait vite avant de repartir en courant-claudiquant vers une autre maison.
Aujourd'hui mes deux condisciples de la communale perçoivent l'AAH, allocation adulte handicapé. Les personnes qui regardaient Serge et Jean-Marie comme des enfants du village, qui leur servaient sans barguigner repas, dessert ou goûter, qui plaignaient leurs parents d'avoir des gosses fêlés, ces mêmes personnes devenues âgées, les regardent aujourd'hui un peu de travers. Des assistés qui n'ont jamais travaillé ! Des gars qui touchent des allocations sans rien faire et c'est nous qu'on paye avec nos impôts !
On oublie que Serge et Jean-Marie n'ont jamais été aptes au moindre travail. Ce serait comme de demander à la dame @SardineMorano de faire preuve d'intelligence quand elle cause dans un micro. On oublie que le village a toujours eu son lot de fêlés ou de non-conformes. On oublie Pierrot, un "original" qui a montré dès son plus jeune âge une capacité exemplaire à l'insubordination sur laquelle même l'armée de l'époque algérienne s'est cassée les dents. On oublie que Pierrot l'original a pourtant mené sa barque et fait une carrière, honorable certes, mais bien éloignée de tout sentier balisé. On oublie Roger, né dans une famille de propriétaires terriens, qui a vécu toute sa vie — poil dans la main, doigts de pieds en éventail — à dilapider tranquillement le patrimoine accumulé par une dizaine de générations. On oublie le vieux Marius complètement siphonné qui vivait avec sa très vieille mère et ne sortait que la nuit. On oublie le curé haut en couleurs, d'une droite qui aurait dû le jeter tout droit dans les bras du Maréchal, curé qui a délivré durant la guerre des certificats de baptême à quantité de gens sans se demander s'ils avaient une gueule bien catholique.
Une figure de la Résistance l'a interrogé :
— Combien en avez-vous fait, de ces certificats de baptême ?
— Je n'ai jamais tenu la moindre comptabilité, pas plus pour ça que pour la quête à la messe, mais ce que je peux vous dire, c'est que je n'en ai jamais refusé un seul.
Ça avait une autre gueule qu'un Guéant vomissant les civilisations de métèques, négros et bougnoules.
Pourquoi, dans ce village qui a nourri sans renâcler toutes les variétés de dingues consanguins, fêlés, non-conformes, improductifs, pourquoi dans ce village où catholiques, protestants et libres-penseurs vivaient en bonne intelligence, pourquoi dans ce village où on a vu défiler chaque été pendant les trente ans d'après guerre des "parisiens" qui venaient remercier le curé, pourquoi est-on devenu si aigri ?
Le refrain de l'assistanat-cancer de la société seriné sur tous les tons et toutes les ondes par Wauquiez et ses complices en crapulerie a fini par pénétrer les consciences. Même ici où, quand j'étais môme, l'on avait encore coutume de garder une assiette pour le chemineau de passage.
Ils ont tout corrompu. Même les cerveaux. Qu'ils pourrissent dans leurs vomissures !
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Quand Roger est mort, il vivait seul depuis le décès de sa femme. Son fils habitait à trois cents kilomètres. Il n'y avait pas une heure qu'il était mort quand un voisin l'a retrouvé. Le voisin venait dire bonjour comme d'hab, s'est étonné de ne pas entendre de réponse, et l'a trouvé dans les toilettes, terrassé par une crise cardiaque. À son enterrement tout le village trouvait naturel que l'on ait retrouvé un cadavre encore tiède... J'ai songé à cet enterrement quand le cadavre d'un homme a été retrouvé à Strasbourg près de trois ans après sa mort.
Heu... Pour les bisous, on verra, mais merci d'écrire de jolies choses sur les relations humaines. Je me suis permis de mettre votre adresse en lien sur mon propre blog.
RépondreSupprimerJe découvre à l'instant ce blog, et ce que je vois est formidable, enfin ce pas le mot approprié, je dirai plutot essentiel.
RépondreSupprimerBravo à vous, continuez.
PS : vous êtes en lien permanent chez moi.
Leunamme
Moi aussi je vous aime bien d'autant que l'expression "cancer de l'assistanat social" m'agace au plus haut point. A chaque fois je lis ça, j'ai l'impression que la société considère que les cancéreux sont des boulets ou des assistés. C'est terrible, faut encaisser la peur et la honte à la fois.
RépondreSupprimerMerci à Rêver de nouveau de m'avoir conduit jusqu'à ces rivages.
RépondreSupprimerOui, c'est bien triste qu'une propagande ainsi ressassée ait fini par atteindre les moins susceptibles d'y succomber.
Bon sang, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi, vivant seule, je fais des cuisines pour 4 personnes !! chez nous il y avait toujours l'assiette du pauvre, celui qui arriverait en retard, mais qui mangerait.
RépondreSupprimerEn 8 ans de bled, je ne suis jamais arrivée dans un village, une maison où l'on ne me dise "Allah soit avec toi, veux-tu boire et manger ?", même les plus pauvres allaient traire la chèvre ... ici en France si on écoute nos "zélites", dés que l'on se fait rembourser un médicament, que l'on perçoit une aide ou une allocation quelconque on est traité de "moins que rien". C'est bien Fraternité qui est écrit en gros au fronton de nos Mairies ?
Continues d'écrire, mon grand, tu nous fait chaud au coeur.
Je vous remercie tous pour vos mots aimables.
RépondreSupprimerRéapprendre que le pain se partage. Il faut que des gens viennent de l'étranger pour l'enseigner aux Français : la Fraternité du fronton de nos mairies ! On y arrivera, pecnaude, on sent dans l'air le début d'un changement. Même la sinistre Le Pen voit qu'il lui faut changer de registre, c'est dire !
Il est quand même mort tout seul Roger, mais au moins avait-il droit aux visites du voisin. Je n'arrive pas à me faire à cette idée qu'on peut tout simplement disparaître sans que personne au monde ne s'en aperçoive...
RépondreSupprimerPS - Merci pour le lien, ça me fait tout bizarre !
Roger est mort tout seul, un matin, mais c'est bien relatif. Il avait passé toute la "soirée" de la veille avec les voisins-copains qu'il recevait. Roger était fin cuistot et amateur de bonne chère. Belote, rami et souper commun. De quatorze à vingt-deux heures. Ses copains ont dit qu'il était mort d'un "excès de belote et de rigolade" : on n'employait pas le mot "overdose" chez nous.
RépondreSupprimerÇa fait plus d'un mois mais je ne peux m'empêcher de commenter car vous mélangez des choses complètement différentes et feignez de ne pas le comprendre. Lorsque des gens ou même un petit village se rendent solidaires de quelques fêlés et handicapés (dixit) c'est un choix librement assumé. Lorsque le percepteur vient leur faire la poche pour soutenir Dieu sait qui, en tout cas des gens qu'ils ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam, c'est autre chose. C'est l'aspect coercif de la charité par État et administration interposés qui rend les gens hargneux. Ce n'est quand même pas si difficile à comprendre!
RépondreSupprimer@ Olivier
RépondreSupprimerJ'étais tout gosse. Un motard tombe dans un virage près de chez mes parents. Je vais prévenir mes parents. Qui préviennent d'autres voisins qui trouvent quelqu'un qui a une voiture pour conduire le gars à l'hôpital. Les voitures étaient alors rares et il a fallu qu'une bonne moitié de la commune se démène pour trouver la voiture disponible... Et pourtant le motard était un inconnu. Et pourtant un agriculteur a chargé la moto pour la porter dans un garage. Et pourtant, à sa sortie de l'hôpital quelques jours plus tard, quelqu'un a conduit le motard chez le garagiste.
De la même façon le curé a donné des certificats de baptême à des Juifs qu'il ne connaissait pas, n'habitaient pas la région et n'étaient certes pas ses paroissiens !
Olivier, nous payons des impôts pour financer les hôpitaux. Dont nous souhaitons pourtant tous ne jamais avoir besoin. Mais nous sommes bien contents d'avoir un hôpital dans notre région quand l'accident ou la maladie nous le rendent nécessaire. Ce n'est pas la charité des bien-portants envers les malades. Mais la solidarité entre tous. Et ça s'organise. Et le côté obligatoire — les impôts — est nécessaire à cette organisation.
Dans les deux premiers examples sus-mentionnés les bénéfacteurs ne connaissaient certes pas les bénéficiaires mais l'aspect volontaire est bien présent.
RépondreSupprimerJe ne disconvient pas forcément qu'un côté obligatoire est nécessaire à la bonne administration de certaines choses, comme les hôpitaux publics (sinon bonjour les parasites qui ne paient rien mais filent ventre à terre aux urgences au premier bobo); je fais simplement valoir que la charité obligatoire, cet oxymoron, est foncièrement différente de la vrai charité et que la la croissance explosive de la première, via l'État providence, explique la hargne croissante des gens envers elle ainsi que l'importance croissante du thème dans le discours politique.