Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

mardi 20 octobre 2015

La chemise déchirée est une hirondelle

« Walaa, cinq ans, veut rentrer à la maison. Elle avait sa propre chambre à Alep, nous dit-elle. Là-bas, elle ne ne pleurait jamais au lit. Ici, dans le camp de réfugiés, elle pleure chaque nuit. […] »

Walaa pourrait être ta fille. Ou ta petite-fille. Des millions de réfugiés sont sur les routes ou dans des camps, attendent à une frontière, risquent leur vie sur un bateau ou dans un camion. Des millions fuient l’enfer. Comme Walaa et sa mère. Comme tous ces enfants photographiés pendant leur sommeil. Nos politiciens n’ont jamais eu le temps de s'occuper de Walaa et ses frères de misère. 

T’en as rien à cirer des réfugiés ? Allons en France chez les Français.  

Il commence à faire froid. Je croise chaque jour Antoine qui dort à la belle étoile. Ce gars — il a 45 ans — souffre de troubles psychiatriques lourds depuis son adolescence. Un éduc de mes relations a fait son premier stage professionnel dans le foyer d’enfants qui hébergeait Antoine. 

Trente années d'inaction… Nos politiciens n’ont jamais eu le temps de s’occuper des sans famille, comme Antoine, affectés de troubles psychiatriques. Les politiciens ont pourtant reçu des caisses de dossiers argumentés, des tombereaux de préconisations circonstanciées, des wagons de rapports ou que sais-je encore, de la part de psychiatres, de travailleurs sociaux, d’associations à caractère social. Trente ans d’inaction pour Antoine et ses semblables.

On peut ainsi faire une liste des centaines ou des milliers de sujets qui ne sont pas traités par les politiciens. Les politiciens sont des enfants monomaniaques qui s’amusent avec des stratégies, des coups tordus, des « buzz », des « c’est pas moi c’est toi » et des « c’est çui qui l' dit qui y est ». 

Ils causent de la mémoire outragée de Robespierre, de la sainte Révolution française qui est un souvenir sacré, du drapeau tricolore qu’on doit pas se torcher le cul avec que ce serait un blasphème, de vingt siècles de la glorieuse Histoire de France, de cette grosse feignasse de Cambadélis, de cet âne de Bartolone, de Mélenchon le diviseur et de Hollande la nouille trop cuite, de nos réelles divergences avec le Parti Machin, de notre identité bafouée par les métèques apatrides, du foulard rislamique qui va polluer la moralité de notre belle jeunesse et de mille autres carabistouilles dont on se branle. 

Ça me casse les couilles d’entendre encore et toujours les politiciens causer du sexe des anges. Antoine, je l’ai hébergé par temps sibérien, et c’est pas un cadeau. Il a de gros problèmes de motricité. Faut des murs en béton banché et un lavabo en fonte scellé dans le mur avec des tirefonds 12x150 pour qu’il ne fasse pas de dégâts. Comme le résume un de ses compagnons de misère, pourtant bien secoué, « Antoine, il est lourd. » Au sens figuré.

Le parti socialiste va encore se prendre une branlée aux prochaines élections. Pas volée, la branlée. Le Front de Gauche va encore faire des résultats minables. Normal quand on se passionne pour l’actualité de Robespierre. 

Mais putain de bordel de merde ! Comment faut-il vous dire que cinquante mille fous gentils comme Antoine sont à la rue ? Que onze millions et demi de personnes vivent sans chauffage ? Que cinq millions de passoires thermiques sont à rénover ? Que, pour le faire, les bras ne manquent pas avec nos six millions et demi de chômeurs ? 

Dites, les branleurs ! Oubliez vos coquecigrues. Occupez-vous des soucis de vos concitoyens. Et vous n’aurez plus à vous lamentez devant des urnes désertées. Et puantes. En attendant, serrez bien les fesses, et attention à vos chemises ! La chemise déchirée est une hirondelle qui annonce le désespéré prenant le flingue pour un renouvellement révolutionnaire de l’image des têtes plantées sur des piques...
———

« Être fidèle à son poids d'hirondelle / Être la sentinelle à chaque nuit nouvelle / Rester sensible à ce monde terrible. » Bruno Ruiz, Être fidèle

12 commentaires:

  1. il est vrai que la gauche de la gauche n a vraiment plus de quoi faire rêver surtout quand elle met a chaque élection toujours les mêmes têtes d'affiche avec ecrit en plus petit sur leur tract avec les acteurs sociaux... Cela nous montre encore une fois s il en est besoin qu elle ne représente plus le peuple depuis belle lurette

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Philippe,

      Oui mais ça va plus loin encore. Globalement les organisations, politiques ou syndicales, ne représentent plus les gens modestes (60 à 70% de la population).

      Et quand, à une occasion ou une autre, une personne issue de la classe laborieuse émerge sur la scène, elle tend à reprendre au moins en partie la chanson serinée par les media.

      J'ai le souvenir de Philippe Poutou à la télé sommé de casser sa propre camarade du Sud-Est parce qu'elle portait un fichu. Et, bombardé par un quarteron de simili-journalistes, il l'a fait. Je ne veux pas lui jeter des pierres pour cela. Ce que je veux, c'est montrer l'extraordinaire puissance de la classe dominante qui parvient à faire dire — même à Philipe Poutou ! — la haine des gens modestes. Cette hégémonie culturelle est pernicieuse : on risque de taper sur nos propres camarades au lieu de s'attacher à démonter un système bien huilé que l'on ne voit plus.

      Les chemises déchirées d'Air France ont été une fantastique libération. Nous avons été nombreux à voir ou entendre des gens modestes relever la tête et dire leur fierté devant ce geste de rejet des riches, de rejet de leur discours, de refus de la résignation. La classe dominante ne s'y est pas trompée qui a vu de suite le danger que le peuple relève la tête.

      Supprimer
    2. La trahison de classe existe déjà dans l organisation des structures qui sont censés lutter contre le capitalisme. On pourrait se demander a quand une organisation politique sans chefs indeboulonables la aussi est le fond du problème et l absence de véritable fonctionnement démocratique

      Supprimer
    3. Les chefs à vie, oui. L'absence de démocratie, oui. Mais aussi le profil sociologique des dirigeants : uniquement des gens de la classe intermédiaire, avec des revenus garantis, avec des emplois du temps pas trop chargés, avec des emplois pas éreintants. Tu ne vois pas de métallos ou d'ouvriers du bâtiment, pas de femmes de ménage ou de caissières...

      Supprimer
  2. effectivement le geste de resistance d air france a fait reagir cependant j ai bien peur qu il soit un des derniers actes de resistance d une classe sociale dont les nantis ont reussi a taire la parole

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Là, je ne te suis pas ! Nous n'en savons rien et ne pouvons prédire l'avenir. Il y a sans doute à peu près autant d'arguments solides et sérieux pour les deux options... La réaction très vive et très rapide des nantis tous unis dans le combat fait tout de même dire qu'ils ont une chiasse verte que la vapeur fasse sauter le couvercle.

      Supprimer
    2. voir mon avis ci dessous

      Supprimer
  3. je n en suis pas sur pourquoi car ce sont rarement des entreprises sans participation de l etat qui se revoltent et que de plus le taux de syndicalisation dans le prive ne represente que 3 pour cent tout syndicats confondus.cette abandon depuis des annees a cree helas une masse de gens de plus en plus resignes et certainement pas pret a en decoudre avec les nantis qui nous domine la sont aussi les faits.

    RépondreSupprimer
  4. jamais aucun syndicat ne se pose de plus la question du proselytisme dont faisait preuve le syndicalisme historique. Le syndicalisme actuel ressemble plus aujourd'hui a une boutique ou l on songe plus a vendre de l adhesion qu a faire naître un esprit de lutte de classe dans les masses laborieuses la est une réalité dont toute personne qui veut changer ce monde doit tenir compte et le moins qu on puisse dire c'est que l on est vraiment pas aidé.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On en discutera dans ma prochaine bafouille. ;o) Exemple historique à l'appui...

      Supprimer
  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer

Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !