Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

mardi 20 janvier 2015

Le massacre Charlie n'est pas affaire religieuse

Plus de six millions de personnes sont au chômage, toutes catégories confondues, dont plus de la moitié ne sont pas indemnisées. Dix millions de personnes vivent avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté. Dix millions de personnes ont un problème de logement. Onze millions et demi de personnes vivent sans chauffage.


Tu verrais la longueur de la queue quotidienne devant mon voisin Resto du cœur ! Je passe devant chaque jour. Piqure de rappel si j’oubliais un instant la catastrophe sociale. 

Mais la régression sociale a un impact sur encore bien d’autres gens. Environ 90% des embauches se font avec un contrat à durée déterminée. On ne propose que le Smic pour une chiée des embauches actuelles y compris des emplois très qualifiés. Les petites entreprises tombent en faillite que c'est Verdun. Etc.

Et on essaie encore de nous distraire avec des dérivatifs comme la laïcité ! Note bien que j'y suis favorable à la laïcité. (1) Mais des petits bourgeois en mal d’émotions fortes font une fixette sur ce sujet que personne ne remet en cause et qui arrive en trois mille huit cent soixante dix huitième position des préoccupations des Français. Bon, d'accord, ces bourges n'ont pas d'autre souci. Laissons-les brûler des bougies sur leurs autels laïques... Un petit gros barbu écrirait aujourd’hui : « La laïcité, c’est l’opium des cravatés ». (Ouahou ! Encore un blasphème !)

Mais bordel de dieu de merde ! Par les couilles du prophète ! La régression sociale n'est pas encore assez catastrophique pour que media et politiques en parlent ? Ça doit rester cantonné à la sphère privée ? Comme la sinistre loi Macron en discussion à l’Assemblée nationale dont personne ne parle ?

Désolé si j’offense ta croyance laïque mais le massacre de Charlie Hebdo n’est pas affaire religieuse. (2) Des journalistes ont fait leur boulot au lieu d’ânonner bêtement les vêpres laïques. Reporterre a retrouvé l’enfance des frères Kouachi. « Moi, ces gamins-là, je les plains. » Et aussi : « C’est une société entière qu’il faut condamner d’avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère. » Mediapart s’est penché sur leur adolescence. « Si à la sortie du foyer, on s’était occupé des Kouachi, cela ne serait peut-être pas arrivé. » Et c’est un expert qui le dit : Cédric a passé un an et demi à la rue en sortant du même foyer qu'eux. Tu rajoutes en prime un passage par la case prison. Qui met à vif les nerfs des plus calmes. Qui a toujours été une bonne école de ce que la société aurait voulu éviter. Tu ajoutes encore le fait que les bougnoules, comme les bamboulas ou les romanichels, sont toujours toujours toujours en butte aux tracas et vexations. (3) Et quand tu auras détaillé tout ça, alors je veux bien que tu me parles en sus de religion. Même s’il subsiste un doute : n’importe quel autre étendard de révolte aurait peut-être fait l’affaire. Quand le terreau est fertile, toujours des graines germent, apportées au hasard des vents…

Ce n’est pas légitimer le massacre mais essayer d'en comprendre les raisons sans s’arrêter à la seule couleur du drapeau brandi.

Nous vivons une catastrophe sociale. Globale. (4) Comment faut-il le dire pour se faire enfin entendre ? Faut-il une conspiration des plombiers — supprimer tout un hiver le chauffage dans tous les ministères comme dans toutes les administrations ? Faut-il un mouvement d’artistes plantant des installations contemporaines in situ — un Resto du cœur avec sa file d’allocataires devant chaque porte de politicien ? Faut-il brûler — au minimum par milliers — les autobus, les écoles et les médiathèques ? Ou faut-il frapper plus fort encore et zigouiller — par dizaines de milliers — les cravatés, façon têtes plantées sur les piques, pour que les survivants s’occupent des questions qui pourrissent la vie de nos concitoyens ?

Distrayons le peuple avec la laïcité, le rejet des autres et le choc des civilisations. Ça permet de mettre sous le tapis des bricoles comme la lutte des classes et le capitalisme. (5) En attendant le prochain drame.
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Toujours plus de voix apportent leurs notes discordantes à l’Union sacrée.

(1) Le Monolecte : « L’idée qu’il n’est plus besoin de débattre […] Que si l’autre n’est pas avec nous, il est forcément contre nous. » 

(2) Virginie Despentes : « Ce n’est pas parce que j’éprouve pour cette religion davantage d’affection que pour les autres mais je ne sais pas faire le rapport entre ce qui s’est passé et l’islam. » 

(3) Roger Martelli : « Haïr le monstre, c’est combattre ce qui l’enfante. » 

(4) La Parisienne Libérée :  « Lorsque le chauffeur a essayé de faire descendre le fou j’ai pensé : c’était bien la peine de faire un grand rassemblement en faveur de la liberté d’expression, si c’est pour exclure les fous calmes des transports publics. » 

(5) Alain Gresh : « Oui, il faut le dire, la République française est tout sauf égalitaire. Faut-il s’étonner que les jeunes des quartiers populaires en aient conscience ? » 
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« Elle rêve au temps de sa mère / Où la pauvreté n'était pas la misère. » Gens du voyage, Daran.

11 commentaires:

  1. Comment faut-il le dire pour se faire enfin entendre ?

    Euh ... Une révolution, et pas seulement "citoyenne" ?

    Mais malgré la sacralisation de la "liberté d'expression" - enfin, pour ceux qui sont dans le "droit chemin" et ceux qui défendent "les vraies valeurs de la vraie France" (des cravatés), on sera obligés de la fermer. Et peut-être définitivement, vu les armes que nos bien-aimées forces de "l'ordre" (capitaliste) vont bientôt acquérir.

    Les chômeurs vont pouvoir se faire embaucher dans les sociétés de sécurité, ou dans les usines d'armement. Elle est pas belle, la vie ?

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    1. Les quelques uns qui auront du boulot seront chargés de surveiller tous ceux qui iront faire la queue au Resto du cœur... au cas où ils leur prendrait l'envie de se révolter.

      Mais la surveillance n'est jamais parfaite. Flanqués de policiers, Charb a pourtant été mitraillé... Il semble que cette leçon ne soit pas plus tirée que d'autres.

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  2. La misère planifiée et les discriminations sont les terreaux de tous les périls sectaires, extrémistes, asociaux. Ici c'est une classe ouvrière renvoyée dans les cordes par la peste libérale, qui se laisse envoûter par le chant des sirènes d'extrême-droite ; là ce sont les transfuges d'un catholicisme qui choisit ses pauvres et ses affamés, à qui les sectes évangélistes ouvrent grand les portes de leurs temples d'opérette. Ailleurs, des exaltés déguisés en gourous religieux tendent des armes de guerre à des jeunes auxquels notre bureaucratie déguisée en république n'a laissé aucune chance.
    Bourdieu évoquait il y a déjà trente ans ces "destins sociaux" qui sont infligés aux jeunes mal barrés dès le départ de par leurs origine, ethnique, sociale... Banlieue pourrie, école pourrie, collège pourri, etc... Les racines du mal, on sait depuis longtemps de quoi elles ont l'air, mais on préfère les ignorer. Les racines du mal c'est Sarcelles, Grigny, Les Minguettes, La Cabucelle, La Capellette, Félix-Pyat, L'Ariane, mais c'est aussi la carte scolaire, les conseillers d'orientation, le corporatisme qui sévit dans le milieu enseignant, les éducateurs payés à tenir des réunions, les filières qui ne mènent à rien, les apprentissages foireux, les stages à répétitions, les salaires merdiques, les contrats-poubelles, les gugusses incompétents qu'un simple appel téléphonique du tonton bien placé à la mairie, au CG, à la Préf', suffit à fonctionnariser tranquillou ; les racines du mal c'est les commissions de ceci et de cela, c'est les assos' d'insertion qui te refilent de l'emploi jetable, c'est Pôle-Emploi et la CAF qui te fliquent au nom de lois votées par des salauds que l'autre a élus uniquement parce qu'il a un patrimoine à défendre et qu'il croit ceux qui lui ont dit qu'il fallait craindre des basanés ; les racines du mal c'est le retour à la case HLM quand à 35 ans tu ne peux plus te loger dans le privé et que tu vois des plus cons que toi meubler la baraque avec jardinet que papy avait achetée en trois ans et qui vaut à présent le prix d'un immeuble; les racines du mal c'est le guigol que tu vois se trémousser dans la télé en anonnant sa variétoche qui lui rapporte la thune que tu ne gagneras jamais toi, petit rappeur des quartiers qui se tape des animations bénévoles de soirées associatives, parce que lui est issu du bon milieu, qu'il dispose des bons réseaux et que toi, tu n'as droit qu'à des encouragements verbeux avant de devoir aller rendre des comptes à ton référent Pôle-Emploi ; les racines du mal, c'est cette installation dans un débat collectif et perpétuel dont rien de concret ne sort jamais, où idéologies, belles théories et vains mots majuscules croisent le fer et s'entrechoquent tandis qu'au quotidien on fait la queue aux Restos, on s'imprime des faux pour convaincre les proprios, on se cache de vivre avec sa nana ou son mec parce que c'est interdit par la CAF quand on est aux minima sociaux, on gratte du black pour finir le mois, on colle un aimant sur le vieux compteur EDF pour en ralentir la roue, on balise quand on n'a pas de quoi faire son contrôle technique et qu'il faut quand même rouler parce que le Aldi le plus proche est hors de portée de bus, on se tape des week-ends et des étés à mourir dans sa banlieue, on se fait des gratte-gratte et le loto pour espérer se sortir du merdier et offrir à ses lardons le passeport qui, selon l'idée convenue, leur permettra se s'arracher à ce pays de tous les impossibles pour pouvoir se faire une vraie vie dans un illusoire eldorado - pour qu'ils n'aient pas à endurer ce qu'on se farcit depuis le berceau.

    Cette république une, indivisible et laïque dont nos élites se gargarisent et qui constitue, depuis deux semaines, l'axe de la propagande officielle, elle est ce terreau pourri qui enfante les destins broyés que guettent toutes les vermines prolixes en promesses juteuses.

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    1. C'est pas un chat hérissé mais un chat écorché vif qu'il te faut comme avatar. ;o)
      Je pourrais écrire, à ma façon, tout ce qui te sort des tripes.

      Ça fait un moment que j'ai bien envie de me la tanner, la pétasse "une et indivisible", son "école du peuple" et deux-trois autres poncifs extra-terrestres pour les quartiers populaires, pour les campagnes en déshérence et pour les petites villes dévastées.

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  3. Bien d'accord.
    Les médias dominants préfèrent nous abreuver de reportages sécuritaires (il y a un marché très rentable) que d'informer sur les causes et les conséquences de la misère sociale qui explose et qui est susceptible d'enfanter de potentielles recrues du terrorisme...

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  4. Si je suis 200 p.cent d ' accord avec toi pour ce qui est que d ' affirmer l ' importance de la condition matérielle pour l ' épanouissement de la vie - eh bien je dis ferment NON pour ce qui est tout ramener à ça !!!
    C ' est un peu vite aller en besogne que de dire que la seule raison des assassinats de Charlie ne résiderait QUE dans l ' enfance pauvre des frères Kouachi -
    Il faut vivre bien loin des populations maghrébo-moyen-orientales françaises pour ne pas savoir à quel point les messages de Charlie n ' ont pas été compris d ' elles et les ont choquées , au point qu ' elles se soient senties bafouées dans leur honneur -
    Il faut savoir aussi à quel point nombre de ces populations ne respectent pas - méprisent - notre culture - sans doute pour diverses raisons : disons-le , raisons religieuses , car le culte Musulman de France ne fait absolument pas autorité puisqu ' aucune autorité ne prévaut sur aucune autre - et qu ' il ne s ' agit peut-être pas uniquement de question religieuse , mais sans doute de traditions culturelles -
    Au final , il ne s ' agit , ni d ' affaire de religion ( nous savons bien qu ' il existe des musulmans ô combien vertueux ! ) , ni de culture ( nous savons tous les poètes , artistes , philosophes , musiciens " arabes " , si talentueux-ses !!! ) , mais bien de tendances au sein de ces cultures , avec lesquelles nous entrons en conflit et ne pourrons jamais accepter ( les tendances rétrogrades , violentes , mortifères ...)
    Cette confusion fut l ' erreur de Charlie -
    Et cela ne nous fera jamais oublier la responsabilité de l ' occident dans la misère MATERIELLE et CULTURELLE de nos frères et soeurs de ces pays -
    Nous DEVONS respecter tous nos frères et soeurs de TOUS pays - et nous FAIRE RESPECTER de tous les cons-connes de notre propre pays comme des autres pays -

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    1. Oulah ! Il ne me viendrait pas à l'idée de tout ramener aux seules conditions matérielles. Il m'est arrivé souvent de parler aussi du besoin d'idéal, du besoin de sens comme dans la bafouille intitulée "Ce que tu es et non plus le prix qu'on te paie".

      Dans cas des frères Kouachi le poids de la détresse morale est sûrement plus lourd encore que celui de la détresse matérielle. Et c'est moi, naguère petit garçon ravagé par les engelures, qui le suspecte...

      Pour le mépris certains athées missionnaires occidentaux valent bien les plus intolérants et belliqueux des religieux. C'est aussi pourquoi j'ai écrit "Je déclare la paix à ceux qui croient en un dieu".

      À mes yeux d'athée occidental Charlie est une publication raciste. Bah, certes un racisme intello bon chic bon genre. Charlie me fait songer à Gringoire qui, avant-guerre, invitait une tapée de plumes célèbres dans et entre des articles antisémites. Ce racisme n'a finalement guère à envier à Joe le corbeau (un proche du FN et de Soral) qui a fait nombre de parodies de Charlie en se contentant de remplacer les musulmans par les juifs.

      Charlie a un autre défaut rédhibitoire à mes yeux : c'est son mépris, sa haine viscérale des pauvres exotiques, comme tu le soulignes à juste titre, mais aussi des pauvres de chez nous. Bon, je n'irai pas les zigouiller pour ça, mais je ne me gêne pas pour faire remarquer que c'est presque toujours des pauvres que l'on se moque. Et rarement des riches.

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  5. Comme tu l'avais prédit dans les commentaires de ton précédent billet, j'adore.

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  6. En revanche celui qui a tenté de faire sauter des Eglises n'est pas né en France et est issu du regroupement familial. Alors on ira jusqu'à dire que s'il y avait pas eu de regroupement familial la pauvre mère dans la voiture n'aurait pas été tuée ?

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    1. Non, on peut aller beaucoup plus loin et affirmer que si ce gars n'était pas né, il n'aurait pas... Bon, je ne comprends pas ce raisonnement. Quand j'étais gosse, on me rétorquait à cela que si Paris avait été plus petit, on aurait pu le mettre en bouteille...

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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !