Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

mercredi 4 novembre 2015

Harcèlement et aveuglement

Voici un très court métrage vidéo sur le harcèlement scolaire. C'est un excellent travail fait en prenant le regard d'un enfant harcelé. Et non pas fait sous l'injonction d’un quelconque prêchi-prêcha d’adulte. Je n'ai pas été étonné de lire que Mélissa Theuriau, la réalisatrice, a elle-même été une enfant harcelée. En une seule minute son film parvient à montrer une sensibilité à la façon Poil de carotte qui ne s'invente pas. 
Prendre le regard d'un enfant harcelé ! Quel scandale ! Ce court métrage rend furieux les syndicats enseignants. Qui s’y sentent « méprisés ». Menfin ! Le monde enseignant n’est pas le sujet du film. Mais comme ça se passe dans une classe, faudrait un film selon leurs désirs. Qui sont des ordres. Tu sais, comme ces films de l’époque soviétique où le commissaire politique tenait la paire de ciseaux d’une main ferme. Pourtant, nous sommes tous comme ça : nous ne voyons pas tout. C’est humain. Et, dans ce film, c'est l’enseignante qui ne voit pas ce qui se passe. Ben oui, ça arrive aussi à des enseignants. Hélas ! 

Dans un « lycée d’État de garçons », comme on disait à l’époque, j'ai eu un prof qui portait toujours une croix argentée sur ruban noir au revers du veston. Pas par croyance, il était indifférent à une quelconque idée religieuse, mais en signe de deuil. Il avait eu deux fils qui s'étaient suicidés à onze et douze ans. Et ce prof toujours en deuil n'avait rien vu et n'avait rien voulu voir — par solidarité enseignante — jusqu'à la mort du second. C’est un de ses collègues qui m’avait raconté les vies ravagées du prof d’histoire-géo et de ses fils pendus. J'avais posé des questions. La croix m'intriguait.
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Les Tuileries, texte de Victor Hugo et musique de Colette Magny chantée par icelle.

9 commentaires:

  1. Je lisais aujourd'hui, sur un site américain, qu'un enseignant d'une école secondaire de je ne sais plus quel état avait été renvoyé, à la demande des parents, pour avoir présenté aux élèves un film éducatif contre le harcèlement et l'intolérance : une fiction où les homosexuels constituaient la majorité, dominaient, harcelant les hétérosexuels (avec plus ou moins les mêmes épithètes que celles qu'on entend dans la petite vidéo ici). Les parents ont prétexté être choqués par la violence (pas vraiment choquante, le film étant, je le répète, éducatif, et destiné à des enfants) pour demander le renvoi du prof. Plus probablement, ils ne supportaient pas l'idée que le film montre des homosexuels, qui plus est dominants, et qu'on enseigne à leurs enfants tolérance, et de ne pas abuser du nombre et de la force.

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  2. J’ai peu fréquenté l’école, trois ans en tout, par obligation, parce que sous Franco, dans les années 50/60, le sabre et le goupillon te bastonnaient la marmaille que c’était hémoglobine à voir. Catéchisme et communion et lacération ! C’est dans ce contexte que j’ai appris à survivre, même si parfois des envies bizarres me venaient du haut de mon cinquième étage… Et les parents dans tout ça ? Des gamins qui n’avaient pas eu d’autre choix, d’autres croix à porter que celle d’une barbarie sans nom : 25 ans, cinq enfants à « éduquer » et… pas le temps, pas le temps. Le temps pour quoi faire ? Vivre ?...
    Putain, il y a des fois où l’école, « libre » ou « laïque » devrait nous enseigner à sauter les chaînes et non à les perpétuer !
    Mais c’est quoi l’école et tout le reste, sinon le vaste bagne du pouvoir !

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  3. Sujet délicat et réaction épidermique d'enseignants et de leurs représentants qui se sentent déclassés. Pas simple. Mais, il me semble que l'intérêt des enfants est prioritaire.

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  4. L'intérêt des enfants est prioritaire. Et je ne comprends pas comment des organisations d'enseignants peuvent faire passer leur ressenti avant cela. C'est d'autant plus incompréhensible qu'il existe une tapée de vidéos diffusées par le ministère sur le même sujet. Où — schéma usuel puisqu'il s'agit de sensibiliser les enseignants — le prof mis en scène ne voit pas ce qui se passe.

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  5. Il ne s ' agit pas de ne pas chercher à protéger les enfants - du harcèlement , de la pédophilie , et m^me de l ' abrutissement des programmes et des structures dee l ' éducation nationale -
    Mais c ' est pas la peine pour ça de montrer les enseignants comme des gros cons -
    Il y en a assez qui se crèvent le cul à essayer que tous ces petits s ' en sortent et m^me qu ' ils aient un tout petit peu de bonheur durant toutes ces années interminables pour eux de leur scolarité -
    C ' est plus pratique de leur taper dessus plutôt que de remettre en cause la violence inouïe qui explose dans la culture , dans les pratiques quotidiennes, individuelles et collectives -
    La profession ne vaut pas cher , c ' est tellement pratique !

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    1. "Montrer les enseignants comme des gros cons." C'est ainsi que les syndicats d'enseignants disent qu'ils sont montrés. Mais c'est LEUR point de vue. Pour ma part, mais c'est aussi le point de vue des enseignants que je connais, je ne vois qu'UNE seule enseignante dans ce film. ET cette enseignante ne voit pas ce qui se passe. Parce qu'elle est complètement dans son truc qui est d'enseigner. Comment le lui reprocher ? Elle ne voit pas comme cela NOUS arrive à TOUS. C'est le message du film. Elle ne voit pas comme c'est malheureusement arrivé deux fois à mon ancien prof d'histoire-géo.

      Au delà du harcèlement — qui concernerait un enfant sur dix ! — on pourrait s'interroger sur la volonté de ne PAS voir. Et je me demande si les syndicats enseignants ne souhaitent pas détourner les regards pour des raisons que je ne connais pas. C'est quand même étrange, cette unanimité syndicale, contre l'avis des enseignants eux-mêmes !

      Des gens de gauche s'intéressent à des bricoles sans importance comme l'AGRIF (machin ultra-catholique avec sans doute quelques douzaines de membres). Et ne parlent jamais de la précarité énergétique (11,5 millions de personnes), du chômage (on s'approche des 7 millions) ou d'autres thèmes réellement importants par le nombre de gens concernés. Parce que ces gens de gauche sont dans leur truc et ne voient pas ce qui est hors de leur sphère d'intérêt.

      On doit pouvoir dire à des gens, même très intelligents et cultivés, qu'ils ont des angles morts dans leur regard sans qu'ils nous rétorquent qu'on les prend pour des gros cons.

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    2. Que tes amis enseignants ne se sentent pas blessés par cette image , tant mieux - Moi je le suis ( enseignant aussi ) -
      Je trouve que ces images volent assez bas -
      Tout comme le boulanger de Pagnol ne donne pas une bonne image de la boulange , le gendarme-de Funès , une mauvaise image des flics ( je ne suis pas un amoureux de la flicaille / en attendant s ' ils étaient pas là ce serait un sacré bordel ! ) -
      Ce qui est arrivé à ton malheureux prof pourrait m ' arriver à moi aussi - mais donner des images simplettes n ' ouvre pas le débat - j ' ai plutôt l ' impression qu ' il le ferme -
      Alors on va créer un numéro vert - pour les parents , les enfants ? - allez voir là bas si j ' y suis - au lieu d ' expliquer qu ' il faut aller vers les enfants qu ' on " VOIT " en détresse , et les parents , les mettre en confiance pour PARLER -
      C ' est pas bien compliqué quand on veut bien s ' en donner la peine , ne pas croire qu ' on puisse tout résoudre tout seul -
      Zorro , taratata !!!!
      D ' ailleurs , qui veut encore parler ?
      On préfère envoyer le petit à l ' école , ou chez l ' orthophoniste , le pédopsychiatre , ou le pédophile , le coller devant la télé , ou pour ceux qu ' ont du fric , au club de foot ou à l ' école de musique ...

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    3. Sur ton deuxième point : comment faire quand on constate un harcèlement ? On peut en effet en discuter à l'infini. Un numéro vert, pourquoi pas ? Bien sûr que ce n'est pas la panacée. On estime qu'un quart des enfants harcelés n'en parlent jamais à personne. Faut pas cracher dessus si ça peut en aider quelques uns...

      Mais encore faut-il que parler, d’une manière ou d’une autre, serve à quelque chose. Je songe à un petiot harcelé qui l'a dit à ses parents qui sont intervenus plusieurs fois en vain auprès de l'école. Bon, les parents ont fini par mettre leur gosse dans un école privée faute du droit de le mettre dans une autre école publique. C’est ensuite un autre gamin qui a été harcelé dans l’école communale. Dont le père a failli boxer la directrice devant son refus d’agir. Le deuxième gosse est lui aussi allé dans une école privée. Le père du troisième gamin, puisqu’il y en a eu un troisième, était influent au rectorat et la directrice a été mutée fissa. Bon, c’est encore un exemple malheureux...

      Sur ton premier point, on est dans le ressenti et c'est très très difficile de sortir de cela. Sur ce ressenti je préfère parler du personnel politique parce que c'est voyant et parce que tu n’es pas concerné. ;o) Nos politiciens préfèrent nous saouler à propos de laïcité, que personne ne remet en cause, comme nous saouler d’autres détails sans importance plutôt que de traiter les sujets qui intéressent des millions de gens comme chômage, précarité et tout ce qui va avec. Les urnes sanctionnent sévèrement ces choix.

      Quand on dit que les ténors de gauche se plantent parce qu’il faut mettre les difficultés des gens ordinaires au premier plan, on nous répond qu'on est « populiste » à traîner le personnel politique dans la merde. Ce qui permet d’évacuer le sujet de fond. Avec ce court-métrage, on est dans ce même schéma. Les enseignants ne sont pas le sujet du film, tout comme le personnel politique n'est pas le sujet du débat sur ce que devrait dire et faire la gauche. Tout comme le boulanger de Pagnol n’est pas le symbole de la boulangerie. Avec leur attitude les syndicats enseignants donnent furieusement l’impression qu’ils veulent à tout prix fuir le débat sur le harcèlement et on ne comprend pas pourquoi. Exactement comme on ne comprend pas pourquoi la gauche s’obstine dans des choix qui la conduisent à se prendre des branlées. ;o) Tiens tu me donnes une idée de bafouille où tu verras que qu’il n’y a pas de mépris, de volonté de blesser, juste de l’incompréhension.

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    4. Merci pour ta réponse - pleine de choses importantes -
      pour l ' instant , juste au sujet de ce qu tu dis au début :
      il ne s ' agit absolument pas de discuter - et surtout pas à l ' infini - mais de DIRE :
      chaque enseignant doit faire en sorte que que chacun de ces enfants puisse DIRE ce qui lui arrive , que chaque parent puisse aussi le DIRE aussi -
      Partant , il faut alors affirmer ce qui est acceptable et ce qui ne l ' est PAS -
      Ce qui doit se faire ici est tout autant du ressort des enseignants , que des parents , que des enfants eus-m^mes ( bien qu ' ils soient moins armés pour ça ) , que de ce qu ' on appelle la culture et qui véhicule tant et tant de silence .
      Il ne peut jamais s ' agir de silence , que de dire ce qui est , et ce qui est inacceptable -
      Le harcèlement est inacceptable , mais tous et toutes doivent prendre part à ce consensus : enseignants , gouvernement , parents , enfants , culture -
      Et il ne s ' agit pas que d ' une position ANTI-HARCELEMENT , mais plutôt d ' une proposition inverse : qu ' est-ce que le contraire du harcèlement ?

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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !