Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

lundi 18 mai 2015

Objecteurs de bonne conscience

« Le 17 septembre 2000, Amedy Coulibaly, qui a alors dix-huit ans, vole des motos avec un copain, Ali Rezgui, dix-neuf ans. Ils sont poursuivis par la police… qui tire, et Ali meurt dans ses bras sur un parking de Combs-la-Ville. Aucune enquête n’est ouverte sur la bavure. Cela provoque deux jours d’émeute à la Grande-Borne. Où sont aujourd’hui tous les acteurs des émeutes de 2005 ? Et tous ceux qui les ont regardés faire avec sympathie ? Comment regardent-ils la vie et la politique ? Quel regard ont-ils porté sur les événements de janvier ? On ne les a pas écoutés avant, ni pendant, ni après, ni depuis le 7 janvier. Le 8 au soir, je ne me suis pas rendu à la République, mais au rassemblement devant la mairie de Saint-Denis, ville où j’habite. J’ai rarement vu autant de monde, aussi ému. Mais en même temps, j’y ai rarement vu aussi peu "tout le monde". Il y avait certainement là tous les réseaux des militants. Mais si peu de gens ordinaires, d’inconnus, de gens et de jeunes "des quartiers", comme on dit. Pris dans notre émotion collective, avons-nous été attentifs au clivage silencieux qui était en train de prendre forme ? » Faut-il crucifier Alain Bertho pour avoir dit cela parmi d’autres propos intéressants qui rompent avec les dogmes établis ? 

« La seule véritable réponse du bloc hégémonique MAZ (classes Moyennes, personnes Âgées, catholique Zombies) à l’accumulation des problèmes est l’augmentation rapide du nombre des individus incarcérés par l’État. 36913 personnes écrouées en 1980, 77 883 en 2014. En tenant compte de l’augmentation de la population française de 55 à 65 millions, nous enregistrons donc une élévation du taux d’incarcération de 7 à 12 pour 10 000, soit plus de 70%. Il s’agit avant tout d’hommes jeunes. Avant de nous inquiéter de leurs origines nationales ou religieuses, notons en effet l’âge moyen des prisonniers : 30,1 ans en 1980, 34,6 en 2014. Par ailleurs, la tendance à l’incarcération ne reflète pas une montée de violences graves : le nombreuse homicides a, dans l’hexagone, chuté de 1171 en 1996 à 682 en 2013. C’est l’injustice du monde qui remplit les prisons. » Faut-il crucifier Emmanuel Todd pour avoir écrit cela parmi d’autres propos intéressants qui rompent avec les dogmes établis ?


« La leçon, bien qu’un peu morose, est limpide : ces gens sont indifférents au sort des peuples qui pleurent, gémissent et meurent sous le knout des puissants. Ces gens, tous ces gens au-delà d’apparentes bisbilles, sont d’accord avec l’organisation du monde. Le paysan chinois, le paysan indien, le paysan brésilien, le paysan égyptien, le paysan éthiopien peuvent aller se faire foutre. Et c’est d’ailleurs ce qu’ils font, dans le silence de mort des médias. »  Faut-il crucifier Fabrice Nicolino pour avoir écrit cela parmi d’autres propos intéressants sur Alstom qui rompent avec les dogmes établis ? 


Avons-nous interdiction absolue d’être objecteur de bonne conscience ? Au nom, ça va sans dire, de la liberté d’expression. 


Faut que je te dise ce découragement qui m’envahit parfois. Cette envie de tout laisser tomber. 


Alors je me mets Pierrick Vivares. Il chante : « Nous sommes tellement distants / Tellement intolérants / Que le rire d’un enfant / Nous fait grincer des dents » et sa vidéo dans Les transports en commun me remet du baume au cœur. Photo Passeurs d'hospitalités.


5 commentaires:

  1. Comment dire, c'est l'american way of life...

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  2. je partage ton sentiment général. Mais j'ai envie de crucifier Todd non pour l'extrait que tu as choisi mais pour l'argument caricatural et outrancier qu'il a servi sur les plateaux TV et en introduction de son bouquin. Et pour cet autre argument, tout autant odieux, qu'il instille doucement, comme d'autres: "Charlie l'a bien cherché après tout".

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    1. J'ai terminé le livre de Todd que je trouve très intéressant. Et ne vais pas m'arrêter aux deux points qui me défrisent fort dans son livre. Qui ne sont pourtant pas des points minuscules à mon goût. Parce que si je dois être en accord avec absolument chaque ligne écrite par un auteur, je ne vais plus lire grand monde. ;o)

      Il faut prendre garde de ne pas sur-interpréter les propos de Todd ou d'autres dans le mode "Charlie l'a bien cherché". Je suis convaincu que Lordon, Todd ou Garnier ne pensent pas cela. Et c'est pour cela que je n'irai pas charcher querelle à Todd sur un point qui m'a défrisé : une rédaction brute de fonderie — qui est aussi une réaction viscérale — permet d'extrapoler alors que je suis convaincu qu'il n'a pas souhaiter y mettre ce que l'on peut si aisément y lire.

      Todd est un social-démocrate modéré. Plus porté sur l'infusion tilleul-menthe que sur le tord-boyau d'un alambic clandestin. Todd a mis des espoirs sur Hollande, c'est dire ! Et même des espoirs fous. Voilà un gars, et il n'est pas seul dans ce modèle, qui prend conscience maintenant l'ampleur de la catastrophe sociale mais surtout de sa négation acharnée par les gens de sa propre classe sociale. C'est cette négation, bien plus que la régression elle-même, qui le rend si véhément face à son propre milieu social. Comme je partage moi-même cet étonnement, bien que ne vivant pas dans son monde, je sens bien cette exaspération qui monte.

      Dans le débat de Fakir j'avais trouvé Coquerel complètement hors sol, complètement déconnecté du désastre, social comme écologique, que nous vivons. Ses propos m'ont profondément révolté, je les ai trouvés scandaleux, presque ignobles. Indignes d'un porte-parole d'un parti classé à gauche.

      Alors j'ai laissé dormir, sans jamais en parler sauf à Partageuse qui a trouvé Coquerel "nul et extra-terrestre", parce que l'on doit se méfier de ses réactions viscérales. Nous avons à nous parler sans nous apostropher quand nous sommes en désaccord. Et je crois surtout que nous avons à œuvrer ensemble et que cela mettrait de l'huile dans bien des désaccords. Et là, la gauche est d'une nullité remarquable : elle ne fait plus rien. Seulement parler...

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  3. Déjà, rien que le pantalon fripé sur les baskets et le chapeau, ça demande de la sécurité de proximité. : - ) Ça ne me fait même pas rire.
    J'aime beaucoup les statistiques.
    La prison ? Cela ne m'étonne pas. Qui sont ces vies ruinés par quelques mois d'enfermement ? Ce ne sont pas des anges, c'est mal de voler une moto, mais cela mérite-t-il une peine de mort sociale ?
    _ Bonjour, Monsieur l'embaucheur, et merci de m'avoir invité à cet entretien.
    _ J'ai votre CV, bien, et... entre la Toussaint et Noël 2014, où étiez-vous ? J'ai la réponse. On vous écrira.
    La prison ne remplit pas sa mission. On y enc... ferme mais on n'y éduque pas, on n'y enseigne pas un vrai métier, on n'y donne pas le goût de vivre en liberté, égalité, convivialité. Les conditions d'hygiène sont répugnantes, certaines cages de refuge animalier sont plus propres.
    J'ai déjà abordé le sujet à propos de Fleury-Mérogis mais il faudrait approfondir cela avec des références, des photos - elles existent.
    Je n'ai pas été objecteur de conscience, j'ai été exempté parce que "trop léger" (mouarfff). La bonne conscience, la bien pensance, c'est ce qui ruine notre pays. Les médias font leur oeuvre, il faudrait interdire l'apprentissage de la lecture (en bonne voie) et la télévision (reste à faire), je suis libéral !
    Merci, Partageux, de cette page de salubrité publique.

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    1. Merci, Lou.

      Exempté. Ton histoire me remet en tête celle d'Eugène Bizeau, exempté pour "faiblesse de constitution", ce qui lui a évité de faire la première guerre mondiale, rien que ça ! Bizeau, grand bouffeur de militaires, avait juré qu'il "les enterrerait tous", tous ces militaires de carrière qui avaient tant fait massacré de pauvres diables durant la Grande guerre. Et un jour ce jeunot a fêté le décès de la dernière brute galonnée : le faible "de constitution" n'est lui-même mort qu'à 104 ans après une vie bien remplie.

      Quant à la prison, faudra qu'un jour je raconte ce que j'ai vu en travaillant dans les taules de ma région. Cette détresse sociale où une bonne moitié des taulards sont illettrés, où une moitié des taulards relèvent de la psychiatrie, où le plus clair des peines sanctionne des peccadilles qui ne vaudraient qu'une amende à un membre du Rotary.

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