Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

jeudi 4 décembre 2014

Une société invivable

Dans son excellent petit bouquin Au mépris des peuples,  François Xavier Verschave, écrit : « Chacun le sait ou le sent, la vie en société suppose un ensemble de valeurs, de services et de biens communs. Ce sont les bases concrètes de la cohésion sociale, les conditions mêmes de l'existence d'une société  vivable. Y a-t-il donc des sociétés invivables ? » 

Eh oui, cher regretté François-Xavier Verschave, il y a des sociétés invivables. Celle dans laquelle nous sommes actuellement. Je l'ai dit ce matin à une journaliste de Nord Littoral à Calais. Au delà de la question des migrants (qui sont traités ici avec un mépris inadmissible), c'est toute la déshumanisation du monde qui est posée

Avant mon rendez vous à Nord Littoral, je me suis rendu à la poste de Calais. Là il a fallu que je me fâche pour que la Poste ouvre les portes à une dame âgée, handicapée, qui attendait dehors dans le froid. Oui, nous sommes dans une société invivable. Une société, qui est caractérisée, par ce que le regretté Castoriadis a nommé La montée de l'insignifiance. Quel niveau d'insignifiance et de barbarie allons nous atteindre ? Nul ne le sait. Mais les signes sont là, nous allons très prochainement basculer dans ce que l'économiste François Partant a qualifié de L'après développement.


Ce message de Clément Wittmann est arrivé dans ma boîte à lettres électronique. Retransmis par une correspondante de ma ville. Loin, bien loin de Calais. Calais où la barbarie est sans limite. Passeurs d’hospitalités, un blogue, chronique cette barbarie quotidienne. À Calais la ZAD, zone à défendre, se nomme humanité.

En Isère, où la température hivernale tutoie les moins 20°C, Pierre & Vacances veut construire une bulle tropicale de trois hectares chauffée à 29°C. Au milieu de 1000 cottages. Sur une forêt rasée pour l’occasion. En détruisant une zone humide grande comme une dizaine de Sivens. En faisant payer aux collectivités locales — qui ont déjà donné le terrain pour une poignée de cerises — la facture des routes, réseaux électriques et tutti quanti. En assurant une rentabilité aléatoire par une niche fiscale. Une ZAD, zone à défendre, nous disent les objecteurs de progrès qui occupent la forêt de Chambaran à Roybon et font face aux miliciens masqués, armés, de Pierre & Vacances.



D’Athènes, en ce moment même [nuit du 2 au 3 décembre 2014] Réoccupation populaire de l’École Polytechnique à Exarcheia, 41 ans après les événements de novembre 1973 (des anciens ont les larmes aux yeux et pensent que nous vivons un autre moment historique) et barbecues de bus et banques aux fines herbes aux alentours. 

L'ambiance dans l'enceinte de ce lieu historique est extraordinaire. Les CRS suréquipés n'arrivent pas à nous déloger. Beaucoup de tags à la mémoire de Rémi Fraisse et en soutien à la grève de la faim du jeune emprisonné Nikos Romanos. Distribution solidaire de sérum, citrons, mallox contre les lacrymogènes balancés comme du napalm depuis l'extérieur. Ça dépave, ça débat, ça écrit sur les murs et sur les corps, ça chante. Que la fête commence ! On attend vos messages de soutien ! Bises de nous tous à Exarcheia !


Yannis, membre de l'assemblée d'occupation de l’École Polytechnique. Yannis des ZAD du monde entier, Athènes, Val de Suza, Testet, etc.


Quand l’ami Yannis Youlountas envoie un texto — parce que oui, tu viens de lire son texto ! — il est aussi bavard que lorsqu’il cause… Mais l’avantage est que je n’ai rien à ajouter. 

Hormis que tu ne dois pas rater son film Ne vivons plus comme des esclaves ! s’il passe près de chez toi. Un film militant réalisé par un amateur avec un appareil photo. Voilà une terre aride réservée aux inconditionnels purs et durs ? Ben non, pas du tout, c’est du très bon boulot et on passe un très bon moment. Et ce film d’excellente facture donne la pêche ! Tu peux aussi le voir sur la toile.
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« On ne peut pas, comprenez bien / Accueillir toute la misère / Mais où vont les êtres humains / Que l'on reconduit aux frontières » Frontières de Jofroi, chanteur du Belgistan.

5 commentaires:

  1. En attendant, les grecs se bougent. Ici, on prépare les fêtes...
    Des petits épisodes invivables d'une société devenue invivable, il s'en vit chaque jour. L'autre semaine, une personne RSAste de mon entourage était convoquée pour un CUI-CAE (contrat pourri pour les profanes) dans un lycée. On la reçoit dans une salle de conseil de profs où toutes les chaises étaient retournées sur les tables. Etaient présents le proviseur et une quelconque fonctionnaire. On prie la personne de prendre une chaise (en lui balançant du "on va vous faire un peu travailler..."), mais le proviseur comme son acolyte la tiennent à distance, disons une dizaine de mètres. Et c'est un interrogatoire en feu croisé où il lui est demandé si elle est comptable (ce qu'elle n'est pas), quel est son projet au sein de l'établissement (alors qu'on ne lui a même pas précisé la nature du job...), si elle serait d'accord pour passer je ne sais quel BTS (elle a près de 50 balais et le contrat est d'un an... ), en lui précisant qu'il lui serait obligatoire d'aller faire une formation à 50 kilomètres de là. Comme elle a tenu à préciser que vu son statut elle est déjà dans les restrictions et que, de ce fait, elle n'a plus de véhicule, le proviseur a haussé le ton comme quoi "il y a des bus"... ! (tu parles ! on est dans une région enclavée où la desserte en transports en commun pose plus de problèmes aux gens sans bagnole qu'elle n'en résout).
    Ils ont sans doute vu que la dame n'était pas motivée, mais alors pas motivée du tout. Comme on est dans une petite ville où tout se sait, il semble que ce contrat merdique soit très, très difficile à pourvoir. Comme beaucoup de ces contrats soi-disant aidés qui loin de sortir les publics concernés de la précarité et de l'exclusion, ne font que les y enfoncer avec, facteur aggravant, l'entretien au jour le jour d'une guerilla larvée entre fonctionnaires (l'Administration est le plus gros pourvoyeur d'emplois jetables) et précaires. Les premiers devraient, dans l'absolu, être les alliés des seconds et se mobiliser pour arrêter cette machine infernale des p'tits contrats z'aidés qui aident surtout à couler. Mais il n'en est rien. L'antagonisme est un fait, et les services publics sont souvent évoqués comme étant l'ennemi public des précaires.
    On parlait d'une société invivable ? Employons plutôt le terme de dis-société.

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    1. Il est gratiné, ton exemple. Et tristement banal puisqu'on en a des douzaines comme cela sous le coude.

      Société invivable, di-société, société duale, société à deux vitesses ou autre locution. On ne va pas se chicorer sur les termes qui sont nombreux. ;o) Je me suis contenté de reprendre le mot de Clément. Pour ma part j'utilise souvent le mot barbarie.

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  2. pas gonflés !!! http://www.reporterre.net/spip.php?article6641

    J'écoute souvent https://www.youtube.com/watch?v=q5tZq_8UZUM et je me dis que la société c'est nous, et que, pour le moment, ce qui se passe ici en Belgique me fait chaud au coeur et que j'espère que nous n'allons pas cesser la lutte avant le retrait de toutes ces mesures iniques.

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    1. Lecteur régulier de Reporterre, j'avais déjà lu l'article de ton lien. "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît." (Audiard)

      Et puis je suis un amateur de Colette Magny. ;o)

      "La société c'est nous." Oui mais c'est aussi hélas aussi ceux qui la dirigent et qui impriment une marque très forte. Directement avec leurs décisions (comme ici les grands projets). Indirectement avec leurs porte-voix. Nos petits blogues sont des nains à côté de leurs journaux télévisés qui redisent chaque jour la grand-messe libérale et la guerre du chacun pour soi et contre tous...

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  3. J'ai terminé La misère du monde. Le bouquin date de 20 ans, il décrit des vies souvent abîmées ou brisées... Depuis, ça n'a fait qu'empirer... La société est devenue invivable mais pas pour quelques-uns...

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