Il y avait du monde. Beaucoup de monde. Bien plus encore qu'à la Bastille 2012 qui avait tant ému Gilles Langoureau. Mon copain Sydne93, je l'ai pas rencontré, a lâchement profité de sa position rapprochée de préposé à la caméra pour faire cette première photo. Mon copain Des pas perdus, je l'ai pas rencontré, il a fait de belles photos que je t'invite à aller voir.
Celle-ci, je l'ai trouvée dans l'Humanité. Il y avait ainsi une belle tapée de propositions pas toujours consensuelles. Des pas perdus a ainsi immortalisé un dessin où Hollande, peu familier avec l'emploi d'un balai, en fait un usage naguère conté par Hubert Selby dans Last Exit to Brooklyn.
Naz Oke a le chic pour goupiller des visuels qui déchirent tant qu'à chaque fois tu te dis devant cette évidence mais comment n'y ai-je pas pensé moi-même ? Elle a fait plein de photos dont celle-ci. C'est la dame de cœur de Daniel. Je ne les ai pas rencontrés eux non plus. On trouve aussi une brochette de photos sur le site du Parti de Gauche.
Je n'avais pas d'appareil photo. Et ça ne m'aurait pas servi pour te raconter. Place de la Bastille, un petiot assis sur le pavé, cinq ans environ, qui pleure toutes les larmes de son corps. Tu t'es fait mal ? Mais non, j'ai eu peur ! Le grand frère, il a bien huit ans, le console comme il peut. Le petitounet ne voyait plus sa maman. Il s'est senti soudain perdu dans la foule. La mère était à un bon mètre, tu te rends compte, autant dire qu'une forêt de jambes se dressait entre eux !
Le papé, il a fait à la main, et avec un soin méticuleux — tu verrais ce modèle de calligraphie des écoles de la troisième République ! — trois ou quatre panneaux qu'un plus jeune a accroché au lampadaire. Et il attend là à côté. Dans la rue pas bien loin de la place de la Bastille. Quand tu regardes la blancheur de son poil, la profondeur de ses rides, la sécheresse de sa carcasse voutée, tu te dis que le papé ne marchera pas jusqu'à la Nation. Mais il est là. Il a fait sa part. Certains l'applaudissent. D'autres viennent lui serrer la main ou lui font un signe de connivence.
Le groupe Syriza de Paris, des Kurdes, des musiciens latino-américains qui chantent de la salsa sur un camion, les éditions Le Temps des cerises, Politis le seul hebdo qui ne me donne pas de nausées et Acrimed qui m'explique pourquoi, Fakir, ils sont là. Il font leur part.
Grand marché d'art contemporain indique le panneau. Entrée payante ! Ouiche, tu as bien lu, faut payer pour entrer au marché ! Un groupe de manifestants à vessie en sur-réservation parlemente pour en utiliser les toilettes. Les vigiles sont formels. Faut payer l'entrée ! Un adolescent n'en peut plus et s'éloigne vite vite vite. Il se soulage dans un angle de toile des tivolis du grand marché d'art contemporain. L'urine coule vers l'intérieur du tivoli. Je songe au marchand d'art de l'autre côté de la toile qui pestera contre un salopard. En oubliant les dix euros à acquitter pour pouvoir utiliser les toilettes...
Elle distribue un tract qui cause des pogroms contemporains. On ne chasse plus le youpin, on délaisse un peu le bougnoule et le négro pourvus de papiers, mais le romanichel reste un gibier de choix comme sous le Troisième Reich. Elle est plein d'enthousiasme. « On est de plus en plus nombreux à protester ! Chez nous, on a attaqué la préfecture et on a gagné. Le tribunal a obligé le préfet à reloger des familles. » Elle fait sa part. Pas seulement pendant la manif. Pendant qu'on se parle arrive une bannière exigeant des papiers pour tous. Elle est tenue par des gars de la couleur à balayer les rues et ramasser les poubelles. Ils font leur part en chantant à pleins poumons.
On marche. On est bien deux au mètre carré — c'est tout relatif mais c'est un de ces rares endroits où on ne se sent pas l'âme d'une sardine dans sa boîte — quand un de mes voisins ne se sent pas trop bien. Il veut s'assoir. Sans le moindre mot voilà que 15 mètres carrés se vident devant lui pour lui permettre de gagner le bord du trottoir où sont assis, comme des lycéens, quatre manifestants qui étaient déjà nés lors du Front populaire. Ils se poussent pour laisser une place à leur aîné. « C'est que je n'ai plus quatre-vingts ans ! » dit-il pendant qu'on l'aide à s'assoir. Lui non plus n'ira sans doute pas jusqu'à la Nation. Mais il a fait sa part.
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Pas de pub, des arbres ! Ils ont fait leur part. Ils étaient à la manif. Ils étaient aussi voici peu sur le périphérique parisien à recouvrir d'immenses panneaux de pub. Ils attendent ta participation. Nos enfants demanderont pourquoi nous avions des centrales nucléaires. Ben, pour faire tourner les panneaux publicitaires...
Tiens j'ai reconnu Nathanaël...
RépondreSupprimercomme si on y était, les paroles c'est bien aussi
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