Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

mardi 29 janvier 2013

Assises pour l'écosocialisme (5)


Aux Assises pour l'écosocialisme il m'a manqué un petit kèk chose. Certains commentateurs ont voulu donner à ce manque le nom d'écologie mais cette analyse me paraît par trop réductrice notamment parce que les partis écologistes souffrent d'une carence bien voisine. D'autres voudraient que les vieilles lunes productivistes soient encore l'horizon du Parti de Gauche. Il leur faudrait assister à la myriade des débats internes pour réaliser combien la critique du productivisme a pénétré les consciences grâce, non seulement aux écologistes, mais aussi aux autogestionnaires et aux libertaires. Ce qui m'a manqué aux Assises ? Une part de rêve. Une part de poésie. Une part de gratuité. Sans retour sur désinvestissement. Sans justification décroissante.
La fritillaire pintaque (une bulbeuse dont la fleur ressemble à une tulipe à damiers) ça ne sert à rien. Quand j'étais gosse je cueillais des brassées de fritillaires pintaques qu'on trouvait à profusion dans les prés mouillés autour de chez moi. On y trouvait aussi les colchiques qui me fascinaient. Jamais pu regarder une colchique sans songer au poème d'Apollinaire. Le pré est vénéneux mais joli en automne. Après drainage le maïs a remplacé les prairies à fritillaires et à colchiques. Après arrachage le maïs a remplacé les haies bocagères à vieux saules creux qui hébergeaient les chouettes. Et une foule d'animaux et de plantes mais je me borne à mes souvenirs de gosse.
Les moissons étaient fleuries en abondance. Connais-tu le joli mot messicoles ? Toutes ces plantes, locataires non invitées, qui accompagnaient les moissons. Le coquelicot le disputait au bleuet. Aujourd'hui il est devenu si rare de voir une nielle qu'on ne trouve plus guère que les botanistes pour en connaître encore le nom. Il ne reste plus la moindre place pour une plante sauvage entre le tri des semences qui ne laisse que l'espèce désirée et les herbicides qui ratiboisent plus sévère qu'un bataillon de coiffeurs de l'armée d'Attila.
Des dizaines de sauterelles prenaient la fuite à chacun de nos pas. Quand les moissons ont  commencé à remplacer les sacs par le vrac des remorques, les tas de céréales étaient mouvants tant les sauterelles y étaient nombreuses. Petites et grises. Ou grandes et d'un vert émeraude magnifique avec des formes aérodynamiques fuselées par les meilleurs designers. Voilà bien trois décennies que je n'ai pas vu une nuée de sauterelles.
Après les discrètes violettes de l'hiver les talus printaniers étaient une joie pour les yeux dès les premières primevères (primula veris que l'on nommait coucou chez moi.) Ombré ou ensoleillé, humide ou sec, calcaire ou acide, le talus en changeait complètement sa flore. Saponaire, ancolie, jacinthe, lupin, bourrache, marguerite, origan, chélidoine, vipérine, pervenche, valériane, jonquille ou sauge, des milliers d'espèces magnifiques ou anodines ont été remplacées par les deux-trois graminées résistantes au passage régulier des gyrobroyeurs zigouilleurs. Pierre Lieutaghi a publié en 1972 L'environnement végétal, livre qui a enchanté ma jeunesse, et qui « montre l'incidence énorme et méconnue de l'action humaine sur le couvert végétal, et ce qui s'ensuit au point de vue sol, climat, régime des eaux, composition de la flore. »
L'ancolie ça sert à rien. Juste un nom à faire rêver. Juste une fleur à forme curieusement tarabiscotée. Un costume d'elfe sorti de l'imagination d'une couturière sous LSD. L'ancolie, comme une myriade d'autres espèces végétales, c'est juste de la beauté. Je me souviens avoir cueilli quelques ancolies sur un pierrier pyrénéen qui en comptait beaucoup. Un bouquet pour ma belle. L'ancolie c'est de l'amour.
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La palmeraie, Wladimir Anselme, grand amateur d'Apollinaire. 

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