Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

dimanche 20 janvier 2013

Assises pour l'écosocialisme (4)


Il est allongé sur le sol de la salle d'attente de la gare. Il dort. Assise à ses côtés elle a posé la main sur son cou. Elle le couve d'un regard de tendresse. Nos yeux se croisent. Nous nous sourions. Ils sont jeunes, habillés correctement, munis de bagages en bon état. Rien de clochards ni même d'errants à demi-luxueux. Il est seulement fatigué par le voyage. Il dort par terre parce que la salle d'attente n'est pas conçue pour attendre. Rien pour s'allonger. Des fauteuils conçus pour torturer le dos et les fesses, pas pour s'asseoir plus de quelques minutes. 
Un garçon avachi dans un fauteuil dort comme il le peut quand le poids du sommeil est trop lourd. Il a la trentaine ou guère plus. Il n'est pas trop mal mis même si le pantalon n'est plus très propre. Bien rasé avec juste un petit sac à dos. Pas encore de fort signe extérieur de clochardisation. Encore dans un relatif bon état physique. Midi. Il dort. Où a-t-il passé la nuit ? D'où vient-il ? Comment en est-il arrivé là ? De quel avenir rêve-t-il ? Il a une chemise rouge mais pas un trou au côté droit. Pas de soleil et pas d'herbes folles accrochées. Pas de haillons. Il dort. S'il l'on se réfère aux moyennes statistiques de l'espérance de vie des clochards combien de temps lui reste-t-il à vivre ?
Nous sommes dans la capitale d'un pays développé. Une jeune gitane, un bébé dans les bras, mendie à intervalle régulier dans la salle d'attente. Elle est maigre comme un couteau. Maigre comme un mannequin qui va bientôt mourir d'anorexie sévère. Maigre comme un sidéen au bord du trou noir.
Fuite devant le sandwich à neuf euros de la gare. Quelques centaines de mètres dans l'avenue proche en quête d'une épicerie. Sept amoncellements de chariots, matelas, bagages, couvertures, d'où émergent à peine sept naufragés encore pétrifiés par le froid de la nuit. Sept vies en suspens. Sept vies en apnée. Une femme âgée toute ratatinée enroulée dans une couverture. Un garçon d'à peine trente ans qui parle une langue slave. Un quadragénaire aux yeux fous qui invente une nouvelle langue des signes avec ses mains. Un autre avec un défaut d'élocution prononcé. Une femme aussi ridée par les ans que ma grand-mère dans ses dernières années.
Paris. Capitale de la cinquième puissance économique de la planète. Les clochards dorment dans le métro. Dans les rames, des mendiants. Dans les escaliers, des mendiants. Aux sorties, des mendiants. Sur les trottoirs, des mendiants. La foule passe, indifférente. L'indifférence est peut-être un fondement de notre culture contemporaine. Je ne parviens pas à me faire à cette idée quand je vois toute cette misère étalée partout mais on m'affirme que je suis dans la capitale d'un pays développé. La cinquième puissance économique de la planète.
Les Assises pour l'écosocialisme se sont achevées hier soir. Devant le chantier le maçon relève sa casquette et se gratte la tête. Y'a du boulot ! Toute une société à refaire. Souriante. Solidaire. Humaine.
———
Bernart Combi chante Pomas de terra d'Ardent de la Grainerie (début XIXe).  

« To be able to sing and play with such passion at such an intimate gathering must be quite liberating. » a écrit un commentateur. Alors, tiens, je t'en mets une autre avec autant de passion dans un cadre aussi intimiste. Bernart Combi chante Los sinhes de Paul-Louis Grenier, poète surréaliste mort en 1955, qui écrivait lui aussi en occitan. 



2 commentaires:

  1. Loin de Paris, on oublie ce grand écart entre la souffrance de l'indifférence assassine, et le néant de la grande richesse.

    Sous le pont Mirabeau, coule la Seine.

    Que t'en dis, Guillaume, toi qu'emporta une étoile de sang au front ?

    RépondreSupprimer

Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !