Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

vendredi 2 mars 2012

Valérie et Paul Jorion


« La décision par l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association) que le fameux « swap » de la dette grecque (PSI pour Private Sector Initiative) annoncé vendredi dernier n’est pas un « événement de crédit » et ne déclenchera pas les CDS (Credit-default Swaps) contractés sur sa dette souveraine [...] » Ainsi commence le billet de Paul Jorion sur son excellent blogue consacré à la macro-économie et aux prévisions de l'effondrement systémique d'icelle. Pas un seul chiffre dans ce texte mais les euros en migration volent en formation serrée par milliards.
Je songe à l'appel téléphonique de Valérie. Un accident, une semaine d'hospitalisation et un arrêt de travail d'un mois qui a été prolongé. Elle se demande bien comment elle doit faire pour sa déclaration à la Sécu.  Elle n'a pas réussi à obtenir des renseignements convenables. Ce qu'on lui demande dépasse sa bonne volonté. Pfffuiiiiiiiit ! Tu vas comprendre tout de suite pourquoi je siffle.
Valérie, avec son BTS carrières sanitaires et sociales, elle fait des ménages et s'occupe de vieux. Elle est payée avec des chèques emploi-service. Des « employeurs » elle en a une collection. Deux heures par semaine ici et trois heures là, ou bien quatre heures ailleurs mais une semaine sur deux. Et puis une heure tous les matins pour la toilette de la mamé  les trois semaines par mois où elle est chez elle... Un agenda d'une complexité ministérielle. Six journées complètes en vadrouille dans toute l'agglomération pour ne totaliser guère plus de trente heures par semaine.
Après un respectable nombre d'appels [Ah ! appuyez sur la touche 3 !] et pas mal d'énervements je parviens enfin à obtenir une personne compétente. 
— Combien a-t-elle d'employeurs ? 
— Treize ou quinze. Ça dépend comment on compte. En ce moment elle a un papé à l'hôpital alors elle ne va pas lui faire ses lessives depuis trois semaines et puis elle a aussi...
Bon, la personne finit par proposer une procédure qui ne va pas imposer de demander quinze formulaires auprès de quinze personnes pour lui permettre de percevoir à peine cinq cents euros par mois d'arrêt. Un trou vertigineux dans son porte-monnaie quand on sait combien Valérie fait toujours attention à la moindre dépense. Il va lui falloir des mois pour s'en remettre. Valérie la solide, elle pleure en le disant et c'est bien la première fois que je la vois craquer ainsi. 
Paul Jorion a écrit Le Capitalisme à l'agonie. Au lieu de le maintenir sous perfusion, on pourrait pas l'euthanasier ?
Chez Paul Jorion j'ai laissé deux lignes sur cet abîme entre les milliards d'euros de l'Europe des banquiers et la vie quotidienne des oubliés.  
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Autres sujets.
Rêver de nouveau ! Quel magnifique nom pour un blogue ! N'est-ce pas un beau programme ?
Consacré au bricolage et à la politique la Rénovitude nous fait bien rigoler. Et là il a encore fait fort !
Coma81 est un blogueur atypique qui prend un thème et le fouille bien bien bien en citant aussi longuement que nécessaire des spécialistes du domaine sans s'interdire des opinions fort éloignées des siennes.  

5 commentaires:

  1. ben j'ai pas tout compris… qu'elle est cette procédure ? on comprend qu'elle est "spéciale" pas qu'elle aura droit à rien.

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  2. Merci pour le compliment.
    Oui, d'accord avec ce billet, quand vous êtes un petit, c'est toujours plus compliqué de faire valoir ses droits. Par contre, on simplifie les procédures de licenciement, ou encore pour avoir des aides patronales. Un monde qui n'est plus capable d'entraide et de solidarité est un monde condamné.

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  3. Les emplois d'aide aux personnes sont les plus mal rémunérés qui soit, et les plus précaires. C'est une véritable honte... J'ai immédiatement pensé en lisant ton billet à Femmes en galère dont j'avais fait une note : http://www.despasperdus.com/index.php?post/2008/04/19/femmes-dans-la-galere

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  4. Je connais une femme comme votre Valérie . Depuis deux mois elle est en arrêt maladie après son hospitalisation pour se faire poser une prothèse de la hanche . Vous connaissez la galère , souffrances non stop, déplacements avec 2 cannes anglaises ( veiller à ne pas faire un faux mouvement ni une chute qui déboîterait la prothèse tant que les muscles écartés de force et coupés n'auront pas repris leur place et leur solidité ...), puis un mois ou deux au ralenti avec une seule canne . Impossible de se pencher pour nettoyer au niveau du sol, impossible de soulever une personne âgée ...
    On lui a dit qu'elle avait trop attendu et que ses douloureux efforts efforts pour compenser le handicap avaient bousillé son hautre hanche qu'il faudrait remplacer aussi par une prothèse ...plus tard . Une vingtaine d'employeurs différents par semaine, un agenda très compliqué avec des heures de déplacements chaque jour à ses frais, tout cela pour entre 500 et 800 euros par mois. Elle prévient chaque quinzaine tous ses employeurs du prolongement de son arrêt ( 20 photocopies de l'arrêt maladie, 20 enveloppes, 20 timbres chaque fois) alors qu'elle ne touche qu'une partie de ses misérables revenus . La dignité et le courage de cette femme sont extraordinaires . On a envie de tout balancer sur l'écran de télé chaque fois qu'une arrogante péronnelle du gouvernement, sapée grand couturier et l'air pas trop épuisé ( par le travail, cela s'entend) vient expliquer que tout va bien pour tous et que tout ce beau monde veille sur nous .

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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !