Immense ! Chers amis, une grande vague a submergé Paris. Des dizaines de milliers de drapeaux ont repeint la Bastille en rouge. J'y étais. J'ai mal aux pieds mais du bien au cœur. Nous avons piétiné, des heures chaudes, les pavés de la capitale pour envahir la place historique des sans culottes. J'arrive, il est 13h. Déjà dans la rame du métro, des têtes souriantes portent des calicots avec des badges qui colorent leurs blousons.
Nous montons l'escalier qui éclôt sur la place de la Nation déjà rouge de monde. Des chants, des musiques, des slogans, des odeurs, le tsunami paisible du Front de gauche s'annonce. Beaucoup de jeunes, bras de dessus, banderoles dessous, avec des cheveux blancs, burinés par l'histoire des luttes et des conquêtes sociales. On me propose des autocollants, « Mélenchon, prenons le pouvoir » que j'arbore avec émotion à ma veste.
Ma fille s'empare d'une pancarte, « Pour la 6e République ». Je l'observe du coin de l'œil, pour ne pas trop lui montrer la fierté que j'ai de la voir, à 20 ans, continuer le combat de toute ma vie. Ce défilé qui s'ébranle est au bord des larmes. Des années que nous n'avions plus vu ça. Mon frère m'appelle sur mon portable, dégoûté de ne pas avoir pu faire partie de l'orgie démocratique qui se lève : « Les télés de Sarko annoncent cent mille personnes ».
J'exulte. Je fais passer autour de moi, à des inconnus, la nouvelle. Tout le monde est ébahi et me tutoie pour me remercier de décupler son courage. Ils marchent, crient, chantent. Tous ces inconnus me sont familiers. Je les ai déjà vus. Ils sont moi, quand j'avais 15 ans, le poing fermé dans les manifs pour Angela Davis, ou contre la guerre du Vietnam, quand j'avais 20 ans dans les luttes étudiantes et la vente sur les marchés du programme commun, et toute ma vie qui défile quand je croise leur regard.
Que du rouge partout. Nous avançons vers la Bastille en cortège serré. Les dieux de la pluie nous épargnent ? Même le soleil a mis son drapeau du front de gauche ! Nous débouchons trois heures de marche plus tard sur la Place de la Bastille gorgée d'amour et de colère. Je récupère mon autre fille que j'avais perdue dans la « bataille » pacifique des mouvements de foule gracieuse.
Le réseau des portables ne fonctionne plus, trop de monde s'appelle pour se retrouver. Les clameurs révolutionnaires résonnent sur cette place de 1789. La présentatrice, sur scène, annonce cent vingt mille personnes. Enorme hourra ! Résistance ! Résistance !
Des gens me croisent et me disent bonjour, me disent qu'ils regardent mon facebook et qu'ils aiment mes peintures et mes chansons. Une communion d'âmes rebelles se met en bataillons. Des « alpinistes » grimpent sur la colonne de la Bastille, fumigènes de toutes les couleurs en main, pour mieux voir Jean-Luc, qui arrive sur scène, entouré des dirigeants du Front de Gauche. On n'acclame pas un homme, mais des idées, comme l'a exigé notre candidat.
Deux écrans géants retransmettent ce que l'on ne peut voir, car je suis trop loin de l'orateur qui commence. Mes filles écoutent, applaudissent, réfléchissent. J'en ai des frissons. C'est un peu aussi ma victoire. J'en ai passé des jours et des nuits à préparer ce rendez-vous, convaincre des indécis, faire de ce rendez-vous, un succès sans ombre, pour que les enfants, les miens et ceux des autres, aient un autre avenir que l'irrespect par lequel cette société méprise notre travail, nos passions, nos vies.
Jean-Luc parle haut et fort pour nous. Cent vingt mille personnes portent sa voix. Quand retentissent l'Internationale et la Marseillaise, mes yeux sont humides. La place refuse de se vider. On voudrait que ça dure. Les gens se serrent les mains, certains s'embrassent en se jurant de revenir, ici ou ailleurs, faire de nos rêves, vérité. Les bouches de métro avalent les derniers résistants. Nous rentrons tous les trois épuisés mais plein de volonté et de puissance, gonflés comme les ballons du Front de gauche, qui s'envolent dans ce ciel de Paris, comme autant de messagers combattants, sereins et confiants dans l'insurrection qui arrive.
Gilles Langoureau, 18 Mars 2012.
J'ai pris ce texte parmi les milliers de commentaires publiés sous les articles qui traitent de ce dimanche. Fais plus ample connaissance avec Gilles Langoureau qui a enchanté ma jeunesse avec son truc vodka-orange.
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— Jules Vallès était à la Bastille.
ah mince c'est pas toi qu'est connu ?
RépondreSupprimerpourtant c'eut été bien et je t'aurais posé des questions.
c'est du tout bon camarade. C'est tellement comme ça que je l'ai vécu (sans les gosses) mais je pouvais plus l'écrire, trop crévée
Merci d avoir aimé mon émotion ! amis !
RépondreSupprimerBravo!!
RépondreSupprimerJe suis heureux pour vous ami(e)s et voisin(e)s français(e)s .
RépondreSupprimerMalheureusement ,en Belgique , nous n!avons pas de parti de gauche digne de ce nom . Ajoutez à cela nos problèmes entre wallons francophones et les flamingants ...
Alors on "morfle"
Amitiés wallonnes et bonne chance !!!
Je suis le peuple!
RépondreSupprimerEt je ne cherche pas la majorité des voix
Parce que je suis la voix de la majorité
Je ne peux être ni prise, ni reprise, ni échangée
Je dérange mais nul ne peut me déranger
Je suis le peuple
La majorité qui protège les minorités
Comme une mère patrie protège ses petits
Ou un frère qui indique le sens de la fraternité
Ou un camarade qui dit l'essence de la camaraderie
Je suis le peuple
Et en même temps la force et le droit
La conscience de l'autre comme conscience de soi
Ni la volonté des uns, ni la volonté des autres
Mais la volonté qui s'impose aux uns et aux autres
Je suis le peuple
Je suis le garant de la constitution
Celle que je m'en vais rédiger le lendemain des élections
Parce que je ne vais plus déléguer le pouvoir à mes représentants
Je me charge de l'exercer moi-même
Comme seul et unique consultant
Je suis le peuple
La république et la raison démocratique
De ceux qui veulent substituer la force du droit au droit de la force
La circulation du pouvoir au pouvoir de circulation
L'appropriation de soi à la désappropriation des autres
Je suis le peuple
Souverain et souveraine ... Je tiens les rênes
Le trône pour tous, la couronne pour chacun
C'est à vous que je m'adresse... petites gens à la traîne
Mon destin est concentré entre vos mains
Je suis le peuple
Nous errons ensemble, plus jamais séparément
Nous mourons ensemble, plus jamais séparément
Nous ressusciterons ensemble, plus jamais séparément
Et nous vaincrons ensemble, pour ne pas être vaincus séparément.
Je suis le peuple
Qui ne distingue pas sa gauche de sa droite
Qui va de bas en haut et de haut en bas
Pour réconcilier le ciel et la terre
Et ôter l'ombre de la lumière
Je suis le peuple
Conscient que ses élites se délitent
Conscient que ses intellectuels sont devenus surréels
Conscient que ma résolution ne passera pas par quelqu'un d'autre que moi
Votons, votez pour que je me libère
De ces expressions mensongères
Qui ne vous disent pas la vérité
Quand elles ne vous disent pas que je suis le chef d'œuvre de votre liberté !
J'ai une amie, jadis encartée au PCF, méfiante encore que le Front de gauche, qui a été émerveillée par cette marche, et regonflée à bloc ! L'espoir renaît.
RépondreSupprimerlire "sur" à la place de "que"... ;-)
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